Le prix Nobel de la Paix pour les survivants d’Hiroshima et de Nagasaki
Observatoire de la dissuasion n°124
Emmanuelle Maitre,
décembre 2024
Le 11 octobre 2024, le comité Nobel japonais a remis le prix Nobel de la Paix à l’organisation japonaise Nihon Hidankyo. Cette ONG porte la voix des survivants des bombardements nucléaires de Hiroshima et Nagasaki (Hibakusha) et milite pour l’abolition des armes nucléaires. Le choix du comité Nobel a été motivé par les efforts de Nihon Hidankyo pour stigmatiser les armes nucléaires et défendre l’existence d’un « tabou » quant à l’utilisation de l’arme nucléaire, pour éduquer les jeunes générations quant à leur expérience et dénoncer les risques posés par ces armes, et par leur investissement via des témoignages, des résolutions ou des conférences en faveur de la paix et du désarmement
Nihon Hidankyo, dont l’appellation officielle est la Confédération japonaise des organisations de victimes des bombes A et H, a été créée en 1956 et regroupe des Hibakusha dans toutes les préfectures du Japon. Son objectif est à la fois global (empêcher la guerre nucléaire, éliminer les armes, soutenir une norme d’interdiction) et plus spécifique avec des demandes auprès de l’État japonais pour dédommager les victimes des bombardements de Hiroshima et Nagasaki
Pour rappel, l’article 19 du Traité de San Francisco, traité de paix avec le Japon, indique que Tokyo « renonce à toutes les réclamations du Japon et de ses ressortissants contre les puissances alliées et leurs ressortissants résultant de la guerre ou d'actions entreprises en raison de l'existence d'un état de guerre »
Au niveau international, Nihon Hidankyo est surtout connue pour son envoi de délégations de Hibakusha à des événements majeurs depuis 1957, donnant une visibilité aux effets humains de l’utilisation de l’arme nucléaire. L’organisation a insisté sur l’importance du témoignage et le poids de la parole des communautés de victimes. Cette mise en valeur de l’expérience directe des rescapés a eu pour objectif de peser sur les négociations, par exemple les discussions diplomatiques visant à interdire les essais nucléaires dans les années 1960-1970 ; ou dans le cadre de grandes manifestations publiques comme dans le cas de la crise des Euromissiles. Elle vise également à transmettre et éduquer les générations suivantes sur les risques de la guerre nucléaire. Au fil des ans, l’ONG est devenue un acteur incontournable des rencontres multilatérales sur la non-prolifération et le désarmement, organisant des expositions, événements et rencontres en marge de grands rendez-vous comme les conférences d’examen du TNP et l’Assemblée générale des Nations Unies. Des membres du bureau ont participé aux différentes sessions de négociation du Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) et ont été particulièrement mis en valeur depuis l’entrée en vigueur de ce Traité.
Pour le comité Nobel, récompenser Nihon Hidankyo est un moyen de rendre hommage à une communauté de victimes qui disparait progressivement, la moyenne d’âge des Hibakusha étant de 85 ans et même s’il resterait aujourd’hui encore dans le pays environ 110 000 survivants
Le choix du comité Nobel n’est donc pas surprenant, d’autant qu’il a déjà récompensé des associations dénonçant le risque de guerre nucléaire dans le passé, en particulier l’organisation anti-nucléaire ICAN en 2017, l’AIEA en 2005, Joseph Rotblat et Pugwash en 1995 et l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire en 1985.