Introduction
Au début de 2011, le Hezbollah avait déclaré que les soulèvements populaires dans la région faisaient partie du « projet de résistance » et s’opposaient aux États-Unis et à ses alliés dans la région, tandis que Hassan Nasrallah condamnait les accusations et explications conspirationnistes qui prétendaient que les États-Unis se trouvaient derrière ces révolutions. Mais le discours officiel du Hezbollah et de ses cadres a ensuite radicalement changé. Les processus révolutionnaires étaient devenus un complot fomenté par les puissances étrangères contre le « projet de la résistance », avec pour cibles l’Iran, la Syrie et le Hezbollah.
Le tournant majeur du Hezbollah en ce qui concerne les événements dans la région est sans aucun doute intervenu avec le début du soulèvement populaire en Syrie. Le mouvement islamique chiite libanais a été un acteur étranger déterminant, assistant le régime d’Assad aux côtés de la République islamique d’Iran et de la Russie.
Dans cette note, nous reviendrons tout d’abord sur les relations entre le Hezbollah et le régime syrien avant le déclenchement du soulèvement populaire en Syrie en 2011. Nous analyserons ensuite les implications et conséquences de l’intervention militaire du Hezbollah sur les populations libanaises chiites et sur les rapports avec l’État d’Israël.
1 – La relation entre la Syrie et le Hezbollah
Après des débuts difficiles entachés de conflits dans les années 1980 durant la guerre civile libanaise, le Hezbollah entretient, depuis longtemps maintenant, des liens étroits avec le régime de Damas. Les relations entre les autorités syriennes et le Hezbollah se sont même renforcées au cours du temps pour se transformer en une alliance ferme avec une collaboration profonde entre les deux acteurs, en particulier suite à la mort du dictateur syrien Hafez Al-Assad en 2000 et l'arrivée au pouvoir de son fils. Hafez Al-Assad se servait du Hezbollah comme d’un instrument utile dans ses propres relations politiques avec l’Iran, tout en exploitant le mouvement fondamentaliste islamique chiite et son pouvoir militaire pour faire pression sur Israël durant les négociations de paix.
Cette situation a changé sous le règne de Bachar Al-Assad, particulièrement suite au retrait des forces armées syriennes du Liban en 2005 et à la guerre de 2006 entre Israël et le Hezbollah. Progressivement, la relation du régime syrien avec le Hezbollah n’était plus une alliance tactique et temporaire, comme c'était le cas avec Hafez Al-Assad, mais une alliance stratégique et profonde. Bachar Al-Assad a approfondi la collaboration avec le groupe à la fois sur le plan politique et militaire.
Le Hezbollah est dès lors devenu un allié important pour le régime syrien au Liban. Bachar Al-Assad a rencontré le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à de nombreuses reprises, et continue de le faire, contrairement à son père qui ne l’avait vu que deux fois
Le Hezbollah avait soutenu l'hégémonie du régime syrien au Liban jusqu'à son départ forcé en 2005, après des mobilisations populaires importantes demandant son retrait du pays, et a maintenu une alliance étroite avec Damas après ces évènements. Dans le manifeste politique du Hezbollah de 2009, le régime syrien est décrit ainsi :
« [il a eu] une attitude distincte et a soutenu les mouvements de résistance dans la région, s'est tenu à nos côtés dans les circonstances les plus difficiles, et a cherché à unifier les efforts arabes pour défendre les intérêts de la région et faire face à ses défis. Par conséquent, nous [le Hezbollah] soulignons la nécessité d'entretenir des relations privilégiées entre le Liban et la Syrie comme nécessité politique, sécuritaire et économique commune, dictée par les intérêts des deux pays et des deux peuples, par les impératifs de la géopolitique et les exigences pour la stabilité libanaise et face aux défis communs »
Manifesto 2009 (2009), « The New Hezbollah Manifesto », Lebanon Renaissance, (consulté le 13 septembre 2010) ; Alami, Mona (2016), « Meet one of Hezbollah's teen fighters », Al-Monitor..
Cette perspective était bien sûr partagée par le sponsor politique et idéologique du Hezbollah, l’Iran. Le régime syrien est le principal allié stratégique de l'Iran dans la région. Il a été un acteur essentiel, comme mentionné plus haut, pour la fourniture et le réapprovisionnement en armements du Hezbollah, qui joue un rôle fondamental en permettant une profondeur de sécurité stratégique vis-à-vis d'Israël et des États-Unis. Téhéran a également perçu le soulèvement populaire syrien comme une occasion pour ses rivaux régionaux, en particulier les monarchies du Golfe avec à sa tête l’Arabie Saoudite, d’affaiblir la position d'un allié important d’un côté et de l’autre de saper son pouvoir et son influence au Moyen-Orient.
Dans ces conditions, le Hezbollah a d’abord soutenu politiquement le régime Assad, puis à la fin de l’année 2011 a débuté son intervention militaire aux côtés des troupes de l’armée syrienne et des milices loyalistes en Syrie. La décision d’intervenir directement sur le terrain démontrait la relation dorénavant stratégique et non plus tactique entre les deux acteurs.
2 – L’intervention militaire du Hezbollah en Syrie
Le mouvement islamique libanais a apporté un soutien militaire, technique et logistique à Damas contre les différentes composantes de l’opposition armée syrienne. Il a aidé à la formation de milices combattant pour le régime syrien, notamment les « Comités Populaires » (lijan al-sha’biyya), composés d’individus issus de différentes communautés religieuses, y compris alaouites, sunnites, druzes et chrétiennes. D’autres milices étaient directement liées au Hezbollah comme le groupe Quwat al-Rida, en majorité composé de Syriens de confession chiite, mais pas seulement. Des milices constituées avec l'aide des cadres iraniens et du Hezbollah ont même, par exemple, adopté le nom de « Hezbollah fi Suriyya » (Hezbollah en Syrie) et l'idéologie du wilayat al-faqih.
Les combattants du Hezbollah en Syrie sont quant à eux estimés entre 7 000 et 9 000, y compris des combattants d’élite, des experts et des réservistes, à des périodes données et en rotation dans et hors du pays, sur des déploiements de trente jours
Le Hezbollah a également ouvert des camps d’entraînement dans les zones à l’extérieur de la ville de Baalbek dans la vallée de la Bekaa, près de la frontière syrienne, pour former les jeunes de diverses confessions religieuses, bien que l’essentiel des stagiaires dans ces camps soient chiites, afin de développer des milices, similaires à celles œuvrant en Syrie, pour faire face à la présence dans ces zones frontalières de groupes fondamentalistes islamiques sunnites comme l’État Islamique et Jabhat al-Nusra ou aussi contre d’autres groupes de l’opposition armée syrienne.
L'importance de l’implication militaire du Hezbollah en Syrie a également été traduite politiquement et socialement, accroissant encore davantage les tensions confessionnelles. Le Hezbollah a de plus en plus étendu son éventail d'activités en Syrie en établissant notamment une branche des scouts Imam Mahdi en Syrie pour les jeunes, qui fonctionnent depuis au moins l’année 2012. Les scouts Imam Mahdi participent à des activités similaires à celles de leurs homologues au Liban, comme des voyages, activités sportives, des cours de religion, y compris la promotion du wilayat al-faqih
Au niveau politique, le Hezbollah pousse le gouvernement à reprendre des relations politiques directes avec le gouvernement libanais et encourage la collaboration entre les armées des deux pays, tout en appelant à la fin de la politique officielle de distanciation adoptée par le gouvernement libanais depuis les débuts du conflit en Syrie
Il ne serait d’ailleurs pas surprenant de voir dans l’avenir des compagnies immobilières privées libanaises affiliées ou proche du Hezbollah profiter des contrats de reconstruction en Syrie.
3 – Les conséquences de l’intervention militaire du Hezbollah
L'intervention du Hezbollah en Syrie aux côtés du régime d'Assad a d’abord été présentée comme une nécessité pour sauver « l’axe de résistance contre Israël » et « la cause palestinienne » face à un complot occidental, israélien et des monarchies du Golfe. Cette propagande s’accompagnait du devoir de défendre les villages chiites à la frontière libano-syrienne en y envoyant des soldats du Hezbollah. Hassan Nasrallah, dans ses discours, soulignait également le rôle du mouvement islamique chiite dans la protection des symboles religieux chiites comme le mausolée de la petite-fille du Prophète Muhammad, le sanctuaire d'Al-Sayyida Zaynab, à Damas, affirmant qu’il avait déjà été la cible à plusieurs reprises d’attaques par des groupes terroristes.
Au fil des années, le discours sur la défense de l’« axe de la résistance », même s’il est toujours présent en ligne de fond, a de plus en plus laissé la place à un autre, mettant en avant une « bataille existentielle » contre les extrémistes sunnites qualifiés de « takfiris » et pour la protection du Liban dans son ensemble. La multiplication des attaques de groupes jihadistes sunnites ciblant les régions libanaises peuplées de chiites, et surtout Dahyeh, depuis 2013, n’a fait que renforcer le sentiment de « menace takfiriste » au sein des populations libanaises chiites. L’accent mis sur le danger extrémiste jihadiste sunnite par le Hezbollah s’est également de plus en plus accompagné d'une propagande fondamentaliste religieuse chiite et confessionnelle parmi les membres du parti et dans sa base populaire, afin de légitimer et de justifier son intervention militaire en Syrie. Il n’était d’ailleurs pas rare de voir des soldats du Hezbollah sur le champ de bataille en Syrie portant des bandeaux ornés de l’écriture « O Husayn », une exaltation à Husayn ibn Ali, un personnage chiite vénéré
L’importance de la menace jihadiste dans la propagande médiatique du mouvement islamique libanais fut remarquée avec l'évacuation des derniers miliciens du groupe État islamique (EI) encore présents sur le territoire libanais ces dernières semaines, dans le cadre d'un accord avec le Hezbollah, et par l’organisation de grandes célébrations à Baalbek le 31 août 2017 nommées « la deuxième libération » du Liban par Hassan Nasrallah, après le retrait des forces d’occupations israéliennes en mai 2000. Durant ce même discours, Nasrallah a déclaré « Jour après jour, nous sommes de plus en plus certains que l'EI et tous les groupes takfiristes sont un produit américain au service d'Israël. Cette victoire s'inscrit dans la lutte contre l'État hébreu. L'EI a été créé par l'administration américaine pour servir le projet génocidaire israélien »
L’intervention militaire en Syrie a considérablement renforcé le mouvement islamique au niveau militaire. Un commandant du Hezbollah a expliqué que le parti était maintenant militairement plus fort que jamais, se rapprochant du modèle d’une armée conventionnelle. La guerre en Syrie a permis une augmentation conséquente du recrutement, avec un nombre croissant de jeunes combattants et ces années de combat ont créé une nouvelle génération de militants avec une expérience importante
4 – Les populations chiites libanaises
L'insécurité croissante dans les zones à majorité chiite depuis l'intervention militaire du Hezbollah en Syrie, accompagnée de la montée des tensions confessionnelles au Liban et dans tout le Moyen-Orient (à laquelle les acteurs étatiques et non étatiques sunnites et chiites ont contribué), en plus du nombre croissant de soldats du Hezbollah morts sur le champ de bataille syrien, ont provoqué durant les premières années (entre 2011 et 2013) un certain sentiment d'insatisfaction auprès de certains segments de la population chiite libanaise et même au sein de la base populaire du Hezbollah. Le parti n'a publié aucun chiffre officiel sur le nombre de soldats de ses rangs morts en Syrie depuis le début de son intervention militaire, mais selon diverses estimations, ils ont dépassé les 2 000 à 2 500 morts et environ 7 000 blessés au début de l’année 2017
Les critiques ont néanmoins été limitées, probablement en raison du contrôle du Hezbollah sur les régions à majorité chiite. Il existait néanmoins quelques indicateurs de ce mécontentement grandissant.
Après le décès d'une douzaine de combattants du Hezbollah dans une embuscade à Sayyida Zaynab en dehors de Damas en avril 2013, le cheikh Muhammad Yazbeck, haut dirigeant du Hezbollah, qui s’était rendu aux funérailles pour présenter ses condoléances à la famille de l'un des défunts, fut interrogé par la mère d'un des soldats morts sur la raison pour laquelle le Hezbollah envoyait ses enfants en Syrie alors que leur combat était contre Israël
Une grande majorité de la population chiite soutenait néanmoins le Hezbollah, et restait dépendante du parti, malgré les critiques de certains. Aucune alternative au Hezbollah n'était en effet présentée par ces critiques. De larges pans de la population libanaise chiite considéraient d’ailleurs que, dans la situation actuelle, un affaiblissement du Hezbollah affaiblirait la communauté entière
De nombreux jeunes libanais chiites, particulièrement issus des classes populaires du sud et de la Bekaa et souvent sans emploi, ont continué, et continuent, à rejoindre les forces militaires du Hezbollah et à combattre en Syrie
Le soutien à l'intervention militaire du Hezbollah en Syrie s'est également intensifié parmi les populations libanaises chiites après les nombreuses attaques et attentats-suicides, mentionnés plus haut, commis par des groupes jihadistes sunnites ciblant les régions à majorité chiite, y compris à Beyrouth, depuis l'été 2013. Avec la création et l’expansion de l’EI et la montée en puissance d’autres groupes jihadistes sunnites comme Jabhat al-Nusra (lié à l’origine à Al-Qa’ida), les critiques contre le Hezbollah au sein de sa base populaire et plus généralement dans la population chiite libanaise sont devenues encore plus timides. La grande majorité de la base populaire du Hezbollah est maintenant convaincue que la survie du mouvement dépend de sa capacité à aider le régime syrien à rester au pouvoir. Ce soutien dépasse les membres et la base populaire du Hezbollah, car 78,7 % des Libanais chiites approuvent l'intervention militaire du parti en Syrie, selon un sondage mené en 2015 par l'association Haya Bina, dont le fondateur, Lokman Slim, est connu pour ses positions hostiles envers le mouvement islamique chiite
Les victoires militaires successives du Hezbollah, et des troupes affiliées au régime syrien assistées par l’Iran et la Russie contre les différentes forces d’oppositions armées syriennes, ont également consolidé le soutien à l’action du mouvement islamique chiite libanais en Syrie.
5 – Israël et la Syrie
Comme les États-Unis et la grande majorité des États européens, Israël a toujours préféré une option politique avec le minimum de changement en Syrie, particulièrement au niveau de la structure du régime syrien, malgré les déclarations de responsables israéliens condamnant la répression des forces de sécurité d'Assad et appelant à le renverser durant l'été 2012. Les priorités de l'État israélien étaient tout d'abord d’empêcher la guerre civile en Syrie de s'étendre à travers ses frontières, d'empêcher les armes chimiques de tomber entre les mains de groupes extrémistes islamiques ou d’être utilisées contre lui, et le transfert d'armements au Hezbollah au Liban. L’aviation militaire israélienne a effectivement bombardé des cibles militaires en Syrie à de nombreuses reprises depuis le début du déclenchement du conflit en 2011. Plus d’une centaine de raids aériens ont eu lieu en Syrie, selon le commandant sortant de l'armée de l'Air israélienne, Amir Eshe
Le dernier raid aérien israélien a visé un camp d'entraînement et une branche du Centre de recherches et d'études scientifiques (CERS) de Syrie au nord de Masyaf, dans la province de Hama. Le CERS est accusé par les États-Unis et d’anciens responsables israéliens d'aider à développer du gaz sarin, et près de 300 de ses employés seraient sous le coup de sanctions américaines depuis l'attaque de Khan Cheikhoun au début de l’été 2017. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a également précisé que le site visé était connu pour être utilisé par du personnel militaire iranien – qualifié « d'experts » – et des combattants du Hezbollah
Au mois d’août 2017, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a rencontré le président russe Vladimir Poutine à Sotchi en Russie. Il lui a alors réitéré ses inquiétudes quant à l'ancrage de l'Iran et du Hezbollah en Syrie, accusant Téhéran de « transformer la Syrie en camp retranché »
6 – Hezbollah et Israël, le Liban comme ligne rouge
Le Hezbollah, de son côté, fait une distinction entre les frappes israéliennes visant ses positions en Syrie et les convois d’armes à destination du mouvement libanais d’un côté, et de l’autre celles ciblant le Liban. Le Hezbollah a en effet répondu militairement à chaque incursion ou attaque israélienne sur le sol libanais, notamment en 2013 et 2014. Le mouvement islamique libanais tentait de transmettre un message clair aux officiels israéliens : malgré son intervention massive en Syrie, le parti était prêt à répondre à toute forme d'agression de l'armée israélienne.
Hassan Nasrallah déclarait lors des célébrations de l'Ashura en novembre 2014 qu'Israël devrait craindre les roquettes du Hezbollah parce qu’« elles pourraient atteindre toutes les parties de la Palestine occupée ». Il affirmait également que le Hezbollah n'avait jamais été détourné de sa mission de la protection de la frontière sud du Liban, contrairement aux affirmations des médias arabes et libanais qui déclaraient que le conflit syrien avait épuisé ses capacités
Suite à l’attaque en janvier 2015 d’un hélicoptère israélien dans la province de Quneitra en Syrie, près des Hauteurs du Golan occupé par Israël, contre un convoi du Hezbollah transportant Jihad Moughniyah et le commandant Mohamad Issa et tuant sept membres du Hezbollah, Nasrallah a déclaré que « la résistance islamique n'est plus concernée par les règles d'engagement, nous ne les reconnaissons pas ... elles ont pris fin ». Il a ajouté que c'était le droit du Hezbollah de répondre à tout moment et en tout lieu
Le Hezbollah a néanmoins maintenu le front du sud du Liban calme, en évitant les affrontements avec l'armée israélienne, jusqu'en janvier 2016 après la détonation d’un engin explosif artisanal près de véhicules militaires israéliens, sans faire de victimes, dans les territoires occupés des fermes de Chebaa. L'attaque a été menée en réponse à l'assassinat quelques semaines auparavant, en décembre 2015, de Samir Kantar, ancien prisonnier dans les geôles israéliennes et devenu membre du Hezbollah à sa libération, tué près de Damas par un raid imputé à Israël. Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah avait promis de répondre à cet assassinat « à l'endroit et au moment que le Hezbollah jugera approprié ». L'État israélien a bombardé en réaction la ville d'Al-Wazzani et d'autres régions du sud du Liban
. Aucune escalade militaire n'a eu lieu après ces événements, alors que le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, continuait à menacer Israël de graves conséquences dans le cas où ce dernier lancerait une autre guerre contre le Liban. Il a affirmé qu'aucune ligne rouge ne restreindrait le Hezbollah, et que le parti libanais avait préparé une liste de cibles de lieux sensibles en Israël, y compris les installations nucléaires, les centres de recherche biologique et les usines pétrochimiques. Nasrallah a également insisté sur le fait que le Liban et le Hezbollah avaient droit à toute forme d’arme défensive pour protéger l'existence et la souveraineté du Liban
Le dernier raid israélien contre le CERS s’est déroulé au moment du plus grand exercice militaire des forces d’occupation israéliennes en 19 ans sur sa frontière nord, impliquant des dizaines de milliers de troupes. Cet exercice militaire a été décrit comme une répétition générale pour une future guerre avec le Hezbollah
Les tensions restent donc fortes entre le Hezbollah et Israël. Cette situation de tension est renforcée par l’importance croissante de l’Iran et de ses proxys en Syrie. Aucun des deux acteurs, ni d’ailleurs les États-Unis et la Russie, n’ont cependant intérêt à voir une nouvelle guerre de moyenne et ou de longue durée se déclencher à la frontière libano-israélienne dans le climat actuel d’instabilité régionale. La priorité des puissances internationales est aujourd’hui la « guerre contre le terrorisme » contre l’EI et autres forces jihadistes sunnites, et tenter de stabiliser la région, y compris par le maintien du régime syrien. Les interventions et bombardements israéliens sur le territoire syrien contre des objectifs militaires du Hezbollah ou liés à ce dernier ne sont par contre pas à exclure.
Conclusion
En mars 2017, le cheikh Naim Qassem, vice-Secrétaire général du Hezbollah, déclarait que le « Hezbollah déciderait seul quand quitter la Syrie », ajoutant que cela aurait lieu lorsque le parti aura la garantie que la « Syrie comme État de l’axe de la résistance » serait maintenue comme tel
« La libération des jurds et des frontières est du Liban des jihadistes ne signifie pas que la bataille contre les groupes État islamique et Fateh al-Cham est terminée, d'autant que le Hezbollah poursuivra sa bataille à Deir ez-Zor, Idlib et al-Badia, trois régions qui comptent la plus grande concentration de membres d'Al-Qa’ida dans le monde et qui ne se situent pas très loin du Liban… Le Liban sera-t-il à l'abri si Idlib reste sous le contrôle de Fateh el-Cham et d'Al-Qa’ida ? Le Liban sera-t-il à l'abri si la présence de ces groupes extrémistes persiste en Syrie ?... C'est pour protéger tous les Libanais et le Liban que le Hezbollah poursuivra son combat en Syrie »
Voilà pourquoi la confrontation militaire entre le Hezbollah et Israël, qui a été au cœur de l’identité du mouvement islamique libanais, a été subordonnée aux intérêts politiques du parti et de ses alliés régionaux. L’armement du Hezbollah a été de plus en plus orienté vers des objectifs autres que la lutte militaire contre Israël, selon les contextes et les périodes. Ces dernières années, le Hezbollah a concentré son action militaire comme nous l’avons vu aux côtés des troupes du régime syrien contre les différentes composantes de l’opposition et contre les forces jihadistes sunnites au Liban, en Syrie et même en Irak
L'appareil militaire et de sécurité du Hezbollah a été un élément clé et central dans le développement du parti. Son but aujourd'hui est clairement de garantir la position politique du parti et de s'opposer à toute menace qui réduirait ses intérêts politiques, même au niveau régional, tout en maintenant un statu quo du système politique et économique confessionnel du Liban.
Le mécontentement initial de certains dans les rangs du Hezbollah a laissé place à un large soutien au mouvement, à son intervention en Syrie et à sa lutte contre les forces jihadistes sunnites. Dans un climat régional instable et de montée des tensions confessionnelles, il est bien improbable de voir la base populaire du Hezbollah quitter les rangs du mouvement libanais sans la construction d’une alternative de masse crédible améliorant leurs conditions et intérêts populaires. Cela n’est pas d’actualité.