Un espace international réduit : Taïwan et les conséquences de la résolution 2758

Le 25 octobre 1971, à New York, l’Assemblée générale des Nations unies vote sa 2758ème résolution, qui « décide le rétablissement de la République populaire de Chine dans tous ses droits et la reconnaissance des représentants de son gouvernement comme les seuls représentants légitimes de la Chine à l’Organisation des Nations unies ». Adoptée par 76 voix contre 35 (et 17 abstentions), la résolution prévoit également « l’expulsion immédiate des représentants de Tchang Kaï-chek du siège qu’ils occupent illégalement à l’Organisation des Nations unies et dans tous les organismes qui s’y rattachent » (voir le texte en annexe)Assemblée générale des Nations unies, « Résolution 2758 (XXVI) », A/RES/2758(XXVI), 25 octobre 1971. . Par ce vote, l’Assemblée générale octroie au gouvernement de la République populaire de Chine (RPC) le siège qu’occupaient les représentants de la République de Chine – nom officiel de l’État établi à Taïwan – depuis la fondation de l’ONU en 1945Sur la portée juridique de la résolution 2758, voir DETRY Charles-Emmanuel, « La résolution 2758 de l’AGNU et le statut de Taïwan en droit international », Programme Taïwan sur la sécurité et la diplomatie, Fondation pour la recherche stratégique, février 2023. . En revanche, cette résolution ne se prononce ni sur le statut de Taïwan ni sur son appartenance au territoire chinois, et n’empêche pas, a priori, l’admission d’un État taïwanais aux Nations unies.

Pourtant, depuis une trentaine d’années – et tout particulièrement depuis l’accession au pouvoir en 2016 de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, issue du Parti démocrate progressiste (PDP) –, la Chine intensifie ses efforts pour déformer le texte et la portée de la résolution 2758. Pékin cherche en effet à établir une forme d’équivalence entre cette résolution et son propre « principe d’une seule Chine » (一个中国原则), en vertu duquel il n’y a qu’une seule Chine, Taïwan n’a jamais été un État et fait partie intégrante du territoire chinoisTaiwan Affairs Office of the State Council, « The Taiwan Question and China’s Reunification in the New Era », août 2022.. Ainsi, dans un livre blanc intitulé « La question de Taïwan et la réunification de la Chine dans la nouvelle ère », publié en août 2022 par le Bureau des Affaires taïwanaises, le gouvernement chinois affirme que « la résolution 2758 est un document politique qui intègre le principe d’une seule Chine, dont l’autorité juridique ne laisse aucune place au doute et a été reconnue dans le monde entier »Ibid.. De même, il dénonce les tentatives des « forces séparatistes » de Taïwan, en « collusion » avec les États-Unis, pour faire évoluer le statut de Taïwan, comme une « violation de la résolution 2758 et du droit international »Ibid..

Les efforts déployés par la Chine pour réinterpréter la résolution 2758 traduisent sa volonté de réduire l’« espace international » (国际空间) de Taïwan en s’opposant à sa participation au système onusien et, plus largement, en empêchant son adhésion à la grande majorité des organisations internationales. Cette politique chinoise est indéniablement renforcée par l’influence croissante que Pékin exerce au sein des Nations uniesSur l’influence de la Chine aux Nations unies, voir EKMAN Alice, « L’influence croissante de la Chine aux Nations unies », Questions internationales, n° 116, novembre-décembre 2022, pp. 56-65 ; OKANO-HEIJMANS Maaike, VAN DER PUTTEN Frans-Paul, « A United Nations with Chinese characteristics? », Netherlands Institute of International Relations, Clingendael Report, décembre 2018 ; FELTMAN Jeffrey, « China’s expanding influence at the United Nations – and how the United States should react », Brookings, septembre 2020.  et auprès de ses États membres. Après un bref détour historique (I), nous examinerons les restrictions et les limites actuellement imposées par la Chine à la participation de Taïwan aux organisations onusiennes (II), ainsi que les moyens employés par le gouvernement taïwanais pour les contourner (III). Enfin, nous analyserons l’évolution de la position de la France et de l’Union européenne sur la question (IV). 

 

Crédit image : ROC MOFA

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