Les groupes armés non étatiques font eux aussi face au Covid-19. Implanté sur un territoire dans lequel il exerce un contrôle de fait, participant essentiel à la vie politique et électorale au Liban, et en même temps lié stratégiquement et religieusement à l’Iran ainsi que – on l’oublie trop souvent – à la diaspora libanaise chiite à travers le monde, le Hezbollah a adopté à l’égard du Covid-19 des réponses actives et de communication. Celles-ci sont déterminées par ses capacités, en particulier sanitaire et sociale, et son positionnement d’organisation « résistante ».
Par sa taille et, dans une certaine mesure, son implantation territoriale non combattue militairement de manière active par la communauté internationale, le Hezbollah se distingue d’une organisation comme Daech. Celle-ci, désormais sans territoire, n’est plus en capacité de produire un « djihad sanitaire » en faveur des populations qu’elle contrôlait hier ou comme elle pouvait le faire à l’intention quasi exclusive des musulmans sunnites de Syrie et d’Irak. Typiquement, l’action de Daech en matière sanitaire et de santé s’est faite sur la base idéologique de ce groupe, ce qui a induit des conséquences dramatiques pour les professionnels locaux qui ne lui étaient pas activement favorables. Une étude de cas sur la ville de Mossoul décrit ainsi un environnement de travail terrifiant et sous le contrôle permanent d’une police morale
Daech et Covid-19 : absence de territoire et communication marginalisée
Doté d’un appareil de propagande désormais amoindri, par manque d’effectif technique mais aussi d’un territoire avec un minimum de capacités technologiques, Daech a communiqué d’une façon que l’on qualifiera de non surprenante au regard de sa vision du monde sanglante. Dans ses quelques publications ayant survécu à la défaite militaire, Daech a d’abord considéré – au même titre d’ailleurs que certains cénacles et réseaux islamistes radicaux
La pandémie se répandant, cette organisation, revenant sur ses positions précédentes, a depuis peu présenté des directives de sûreté, de voyage
Le bilan de sécurité que l’organisation fait de la situation pandémique, tel qu’il apparaît dans sa propagande, est plutôt une prise en compte d’opportunités. Elle observe que les Etats qui sont les cibles de ses menaces connaissent actuellement des tensions capacitaires qui pourraient les empêcher de procéder à des opérations anti- ou contre-terroristes substantielles. Pour autant, Daech souhaite une concentration des efforts de ses militants sur la recherche de la libération des djihadistes détenus, en particulier en Syrie et en Irak.
Si aussi bien Al-Qa’ida que Daech ont régulièrement par le passé déclaré un intérêt pour le NRBC, en particulier dans sa composante biologique, et si ces organisations ont tenté de mettre en place sur les territoires qu’elles contrôlaient un embryon de recherche et de développement, voire utilisé le spectre spectaculaire du bioterrorisme dans leur propagande, sans en maîtriser heureusement les verrous technologiques les plus sensibles, nous n’avons pas trouvé à ce jour d’informations indiquant une volonté d’utiliser le Covid-19 comme un moyen « terroriste » rustique et improvisé, par exemple en Europe. Toutefois, la nature profondément décentralisée, voire autonome, des réseaux pro-Daech à travers le monde ne doit pas faire mésestimer le recours à ce moyen, spécialement de la part d’individus psychologiquement borderline (contamination improvisée contre des cibles définies). Toutefois, comme lorsqu’Al-Qa’ida s’intéressait à la ricine, vers 2002-2003, certains militants pourraient préconiser les moyens habituels, à la fois plus éprouvés et plus immédiatement sanglants.
Le Hezbollah : jihad sanitaire et communication politique
De son côté, à la fois proxy de l’Iran et acteur libanais local et diasporique, le Hezbollah est de longue date un acteur social important au Liban, gérant des dispensaires, des hôpitaux et une vaste logistique de soutien des populations chiites, voire, dans les faits, au-delà
Il a été parfois accusé par certains de ses opposants d’avoir introduit le Covid-19 au Liban, via la Syrie, où l’organisation est très engagée depuis des années ou, surtout, depuis l’Iran et la ville religieuse de Qoms, d’où les Hezbollahi étudiants ont semble-t-il pu longtemps revenir sans mise en quarantaine, alors que la pandémie était importante en Iran
Dans un contexte local dramatique, où les nombreux réfugiés illégaux ou légaux sont souvent sans ressources
Par contraste avec le positionnement de Daech, sans territoire et donc sans moyens autres qu’une production affaiblie de propagande, le Hezbollah pourrait bien, sur fond de crise du Covid-19, raffermir sa position politique centrale au Liban, et dans le monde diasporique libanais, en tant qu’acteur sanitaire disposant d’une capacité médiatique pour promouvoir son action. En revanche, son substrat politique étant chiite, ainsi que son implantation, on peut interroger le caractère tous azimuts de son intervention sanitaire.