Dissuasion nucléaire en Europe : convergences, singularités et perspectives de coopération

Introduction

En février 2020, le président Macron a invité ses partenaires européens à la création d’une « culture stratégique commune » et à une meilleure appréhension du rôle de la dissuasion nucléaire française. De son côté, l’OTAN rappelle fréquemment qu’elle est une alliance nucléaire. Dans le même temps, un débat inédit s’observe dans certains États non nucléaires européens, où des experts des questions stratégiques évoquent avec moins de retenue le rôle joué par les stratégies de dissuasion nucléaireUlrich Kühn, Tristan Volpe, Bert Thompson, « Tracking the German Nuclear Debate », Carnegie Endowment for International Peace, mis à jour le 5 mars 2020. alors que d’autres soutiennent, au contraire, l’entrée en vigueur d’un Traité d’interdiction des armes nucléaires. Dans un contexte de tensions entre grandes puissances et de délitement des normes de maîtrise des armements, les questions nucléaires apparaissent donc dans l’actualité stratégique européenne de manière plus affirmée depuis une dizaine d’années.

Paradoxalement, les positions des États européens (au sens large, intégrant en particulier les membres de l’Union européenne et de l’OTAN) sur le nucléaire militaire ne sont pas toujours prises en compte dans les réflexions plus globales menées sur le renforcement d’une politique de défense commune. Beaucoup d’États européens soutiennent depuis plusieurs années l’objectif d’un renforcement des mécanismes de défense collective. Les quatre années de l’administration Trump ont convaincu certains pays des risques liés à une dépendance trop importante vis-à-vis des États-Unis. Ces circonstances ont encouragé les projets visant à promouvoir une forme d’autonomie stratégique en Europe, même si les différents partenaires peinent à s’accorder sur le sens de cette expression. Par ailleurs, au niveau industriel, des avancées plus significatives sont envisagées dans l’optique d’accroître les capacités des pays européens.

Le renforcement de la défense collective de l’Europe, au sein de l’OTAN, de l’UE ou de manière plus ad hoc, est ainsi progressivement envisagé. En arrière-plan, mais de manière essentielle, figure donc la question de la dissuasion nucléaire. Il est en effet difficile de s’accorder sur une vision partagée des risques stratégiques mais aussi des politiques de défense sans une perspective commune sur la question de la dissuasion stratégique. Cette note cherche à rappeler les enjeux nucléaires sous-jacents pour l’ensemble des États européens et à préciser leurs approches respectives. Elle vise ainsi à identifier dans quelle mesure ces positions différenciées jouent un rôle sur les positions prises par les États en matière de stratégie de défense, de doctrine, de capacités ou encore d’industrie.

Cette note rappelle en introduction les différents statuts des États européens vis-à-vis de l’arme nucléaire, et la manière dont les politiques de dissuasion sont envisagées et mises en place. Dans un deuxième temps, elle se penche sur les investissements consentis dans ce cadre et les répercussions de ces stratégies sur l’ensemble du secteur défense. Enfin, elle pointe les principales questions qui se posent pour la pérennisation des stratégies de dissuasion nucléaire mises en place en Europe, en particulier au niveau français et dans le cadre de l’OTAN.

 

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