Comme tous les ans, le Pentagone a livré en novembre 2022 son rapport actualisé concernant les forces chinoises, un document important car considéré comme une source de premier plan sur les développements capacitaires chinois
Cependant, l’attention est avant tout portée sur l’armée des Lanceurs (PLARF), avec une revue à la hausse des prévisions faites l’année passée concernant la progression du nombre de lanceurs en service opérationnel et prévu d’ici à la fin de la décennie. Ainsi, le Pentagone suppose que Beijing a accéléré son programme, avec en particulier 135 tirs balistiques en 2021, un nombre supérieur au total de missiles tirés par l’ensemble des autres pays à des fins d’essai. Il met en avant le fait que la PLARF dispose à présent d’environ 300 ICBM déployés, composés de DF‑4, DF‑5A, DF‑5B (silo) et DF‑41, DF‑31A (mobiles) avec un développement potentiel d’un DF‑5C et d’un DF‑31B. Il évoque un possible déploiement sur rail ou en silo pour le DF‑41 en décrivant les efforts pour déployer les parcs de silo dans le pays comme structurants. Le développement d’un DF‑27 est mentionné avec des interrogations sur sa portée et son mode de déploiement. Le rapport revient sur l’essai de FOBS couplé à un planeur hypersonique le 27 juillet 2021.

Pour ce qui est des missiles de portées plus réduites, le rapport met l’accent sur le développement du DF‑17, planeur hypersonique déployé sur un missile balistique de portée intermédiaire, et qui est réputé remplacé un certain nombre de SRBM dont le volume déployé semble avoir diminué depuis l’année dernière.
Comme évoqué par plusieurs officiels cette année, le Pentagone continue d’estimer que la Chine disposera de 1000 têtes nucléaires opérationnelles en 2030. Concernant les évolutions à venir, le DoD annonce que si les tendances actuelles se poursuivent, la Chine aura probablement un arsenal de 1 500 têtes nucléaires en 2035, favorisé en particulier par la construction de 300 silos pouvant contenir des DF‑41 mirvés à trois têtes. Les évolutions observées conduisent le Département à supposer que la Chine se dirige vers un rehaussement du niveau d’alerte des forces et l’adoption d’une posture de lancement sur alerte. Il rappelle la posture officielle de non-emploi en premier chinoise mais estime que Beijing se prépare probablement à répondre par une frappe nucléaire à des attaques non-nucléaires mettant en cause la survie des forces nucléaires chinoises et en particulier visant le C2. Il évoque la conception chinoise de la stabilité stratégique et déplore l’absence d’intérêt des autorités chinoises pour un dialogue avec les États-Unis à ce sujet.
Pour appuyer l’accroissement de l’arsenal, la Chine a selon le DoD renforcé ses capacités de production de matières fissiles, avec notamment la construction en cours de deux réacteurs nucléaires à neutrons rapides refroidis au sodium, et de nouvelles usines de retraitement.
Si la plupart des chercheurs semblent convaincus par les analyses du DoD, quelques voix craignent que l’exagération rhétorique de la menace n’ait un effet contreproductif et semblent estimer que l’augmentation numérique des forces nucléaires chinoises ne peut pas surprendre
Pour des commentateurs conservateurs, au contraire, il ne faut pas supposer que la Chine s’arrêter à 1 000 ou 1 500 têtes et envisager dès maintenant l’accroissement des capacités américaines de production d’armes nucléaires pour empêcher Beijing de prendre durablement l’ascendant au niveau quantitatif
Du côté du Congrès, des sénateurs se sont ému du fait que selon le rapport, le nombre d’ICBM détenus par Beijing dépasse désormais le nombre d’ICBM déployés par les États-Unis
La Chine a réagi en estimant que le rapport était basé sur des « spéculations » et que les États-Unis « gesticulent et font des devinettes absurdes sur la modernisation des forces nucléaires chinoises »