La stratégie de Taïwan face à la pandémie : quels enseignements pour les pays européens ?

Résumé

Taïwan, démocratie prospère de 23 millions d’habitants, s’est protégée particulièrement efficacement de l’épidémie de Covid-19. Pendant 16 mois, entre janvier 2020 et avril 2021, elle a enregistré au total moins de 1 200 cas avérés, dont seulement une centaine de transmissions locales, et 12 morts. Confrontée à un épisode de contamination communautaire à partir de mai 2021, l’île est parvenue en deux mois à ramener le nombre quotidien de cas en dessous de 20 fin juillet, sans imposer de confinement aussi strict qu’en Europe. La stratégie qui lui a permis de faire face à l’épidémie avec un tel succès constitue une utile source d’enseignements.

L’expérience taïwanaise doit d’abord encourager à améliorer et à rendre plus autonomes les outils nationaux de vigilance et de réponse épidémique, les alertes et recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’étant révélées insuffisantes. L’exemple de Taïwan a illustré le bénéfice sanitaire de l’adoption de mesures beaucoup plus précoces et rigoureuses que ce que recommandait l’Organisation.

Les pays européens doivent ensuite se poser la question de l’articulation entre science et société face à une telle crise épidémique. En effet, au moment où la plupart des experts européens en santé publique minimisaient le risque épidémique dans les premières semaines de la crise, début 2020, les experts taïwanais, comme ceux de nombreux pays asiatiques, alertaient au contraire leurs autorités et les populations sur la gravité potentielle de la situation. Il serait utile de comprendre les raisons de cette carence initiale de l’expertise européenne, et les raisons pour lesquelles les alertes provenant des spécialistes asiatiques n’ont pas été entendues en Europe. En outre, dans la suite de l’épidémie, s’est installé un déficit chronique de confiance des populations européennes envers le consensus scientifique, consensus lui-même fragilisé de l’intérieur par des experts contestataires très médiatisés. La population de Taïwan, au contraire, a largement fait confiance aux experts, et ces derniers ont fait front commun à la fois entre eux et avec les autorités chargées de la gestion de l’épidémie, ce qui a considérablement accéléré et renforcé l’adoption par la population des mesures de protection.

L’expérience de Taïwan illustre enfin que les régimes démocratiques ne sont pas moins bien armés que les régimes autoritaires pour lutter vigoureusement contre la propagation d’une épidémie, à condition de faire pleinement et sans tarder usage de l’arsenal sanitaire à leur disposition. Le bilan en termes de restrictions des libertés individuelles est a posteriori très nettement favorable à la méthode choisie à Taïwan, qui a imposé des contraintes d’isolement très fortes mais très ciblées sur les personnes infectées, les cas contacts et les voyageurs en provenance de l’étranger, et qui a ainsi évité, ou au moins retardé, une partie importante des contraintes imposées dans les pays européens à l’ensemble de la population lors des confinements généralisés. Cette stratégie taïwanaise, dont les bénéfices en termes de mortalité et de santé publique sont évidents, s’est donc aussi révélée, jusqu’à présent, beaucoup moins coûteuse économiquement, socialement et budgétairement que la politique de gestion du « vivre avec » qui s’est imposée dans un grand nombre de pays.

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